La propagation du son
- L'équipe de Hent Telenn Breizh
- 10 oct. 2017
- 4 min de lecture

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi le son d’un téléphone portable ou d’oreillettes écoutées à distance est si pauvre en basses ? Pourquoi certaines voix portent beaucoup plus loin que d’autres sans pour autant développer plus de décibels ? Pourquoi, sur une scène ou l’on a oublié de positionner des retours, on n’entend qu’un fouillis de basses incompréhensible ? Pourquoi place t-on toujours les hauts parleurs en l’air et les caissons de basses en bas et jamais l’inverse ? Ou encore pourquoi le bruit de l’orage n’est composé pratiquement que de basses très profondes ?
Je dois vous avouer que ces questions sont pour moi restées insolubles jusqu’à ce que je découvre le monde de l’audio. Le jour où j’y ai trouvé réponse (ou, pour être plus exact, le jour où un de mes amis ingénieur du son me l’expliqua en long et en large jusqu’à ce que je comprenne…), je me suis soudain senti si intelligent que je me suis promis de partager ce savoir avec le plus de monde possible…
En fait, la réponse toute simple se trouve dans les propriétés de propagation du son :
Les aiguës sont directionnelles, c’est-à-dire qu’elles respectent à peu près la direction dans laquelle elles ont été émises.
Les basses, elles, sont omnidirectionnelles. En somme, elles se propagent indifféremment dans toutes les directions.
Évidemment, dans la pratique, les choses sont un peu plus complexes ; mais on peut néanmoins retenir que, plus on augmente en fréquence, plus la direction de départ sera respectée, tandis que plus l’on descend, plus la source (même un haut parleur de très bonne qualité) aura tendance à émettre dans toutes les directions.
Cela explique tout !
En effet, de cette étrange propriété découle une autre non moins intéressante : la faculté à contourner les obstacles, ou non. Comme vous pouvez déjà vous en douter, les aiguës qui respectent leur direction d’origine sont plus ou moins arrêtées par les obstacles : imaginez un tuyau dans lequel on introduirait un bouchon. Si le bouchon obstrue totalement le tuyau, le flux est simplement arrêté.
Au contraire, les basses, et surtout les basses très profondes (on les appelles Subbass quand elles descendent en dessous de 40 Hz), n’ayant pour ainsi dire aucune contrainte de direction, passent entre les obstacles comme des fantômes. Mieux, encore : quand elles sont assez puissantes, elles mettent parfois lesdits obstacles en vibration du fait de la lenteur de leur propre vibration (qui n’a pas senti ses os vibrer près d’un caisson de basses), ce qui leur donnent plus ou moins la faculté de passez au travers des obstacles !
Ces deux caractéristiques suffisent à elles seules à expliquer tous les phénomènes décrits plus hauts.
Dans le cas des oreillettes, le son paraît totalement dépouillé de basses parce que celles-ci se sont presque totalement dispersées quand le son parvient à vos oreilles, tandis que les aiguës vous arrivent presque en intégralité, ou tout du moins dans une proportion beaucoup supérieure.
Si certains types de voix portent beaucoup plus que d’autres, c’est qu’elles ont beaucoup d’harmoniques aiguës (dues, notamment à une dureté des cordes vocales qui s’acquière à force d’entraînement… ou qui vient naturellement chez certaines morphologies), qui font qu’elles sont audibles beaucoup plus loin que d’autres qui émettent plus de basses, et qui, de ce fait, se dispersent plus vite.
Attention, cela n’a aucun rapport avec la tessiture : pensez aux voix à la fois graves et métalliques des commentateurs radio. Il s’agit uniquement d’harmoniques : il existe des voix aiguës qui ne portent pas, des voix aiguës qui portent, des voix graves difficiles à entendre de loin, et des voix graves qui portent sans efforts à plusieurs centaines de mètres.
Sur une scène où les enceintes de retour ont été supprimées, les musiciens ont beaucoup de peine à s’entendre uniquement via ce qui leur parvient du son émis en façade, car toutes les harmoniques aigües sont émises vers l’avant et ne les atteignent pas : seules leur parviennent les basses émises « accidentellement » par l’arrière des baffles (d’où l’utilité des retours, soit dit en passant…).
Si l’on pose toujours les caissons de basses sur le sol et les enceintes ordinaires en l’air, c’est pour que les aiguës arrivent aux oreilles du public sans rencontrer d’obstacle, tandis que les basses émises par les caissons contournent les corps des spectateurs sans que leur diffusion soit enrayée. D’ailleurs, il y a une autre raison pour poser les caissons de basses au sol : tout comme poser une boîte à musique sur une table augmente considérablement la puissance son de celle-ci en mettant la table en vibration, le puissant émetteur de basses met en vibration le sol sur lequel il est posé, augmentant considérablement son efficacité.

Enfin, j’aime beaucoup l’exemple de l’orage. Tout le monde connaît le grondement caractéristique du tonnerre, qui fait parfois vibrer les murs les plus épais. Mais moins nombreux sont ceux qui ont entendu claquer la foudre de près. Pour l’anecdote, cela m’est arrivé une fois, alors que je conduisais une voiture traînant une remorque vide. La foudre a frappé à quelques centaines de mètres seulement alors que je m’arrêtais à un feu rouge ; sur le coup je fus persuadé qu’un véhicule arrivant sur le côté avait percuté ma remorque de plein fouet, tant le bruit fut métallique ! Pourtant, c’était un coup de tonnerre absolument normal, en rien différent de ceux qui produisent ce grondement si connu. Seule la distance avait faussé ma perception.
En effet, malgré l’énorme puissance en décibels produite par le déchirement des couches d’air, les harmoniques aiguës d’un coup de tonnerre (et il y en a beaucoup) sont relativement vite arrêtées par les obstacles environnants, les arbres, les maisons, etc. Mais les basses peuvent continuer à se propager sur des kilomètres, rebondissant sur les obstacles, pour créer ce roulement si caractéristique.
Voici un aspect assez peu connu du son, et pourtant aussi commun et facile à expérimenter que l’effet Doppler. Ne vous privez pas, lors de vos prochaines expériences, de tester de nouvelles applications de ce phénomène !
Jean
Comentarios